Par Margaux Wosk
En tant que personne autiste, j’ai eu beaucoup de mal à trouver ma voie professionnelle.
La décision de déclarer ouvertement une limitation fonctionnelle peut constituer une épée à double tranchant. D’une part, je risque de subir une discrimination incroyable dans un milieu de travail traditionnel; d’autre part, on peut m’embaucher pour montrer une diversité de façade, ce qui, sans les bons mécanismes de soutien en place, peut avoir de graves répercussions sur ma santé mentale.
J’ai fini par me rendre compte que je n’avais pas d’autre choix que de trouver un moyen de diriger ma propre entreprise.
Pour le moment, le Mois de la sensibilisation à l’emploi des personnes handicapées en Colombie-Britannique (qui se tient chaque année au mois de septembre et qui vise à souligner le rôle que jouent les personnes ayant une limitation fonctionnelle dans la main-d’œuvre de la province) passe sous silence le travail autonome comme choix de carrière valable. Nous ne recevons presque rien comme soutien financier. Les programmes très limités qui existent nous encouragent à contracter un emprunt – et pourtant, des entreprises multimillionnaires reçoivent de grosses sommes d’argent pour embaucher des personnes ayant une limitation fonctionnelle. Il y a là un fossé inquiétant.
Nous devons commencer par financer les initiatives qui sont dirigées par des gens ayant une limitation fonctionnelle si nous voulons faire avancer l’idée de l’autosuffisance et de la transformation dans ce domaine.
C’est comme crier dans le désert.
Je crée des épinglettes en émail, des pièces thermocollantes, des autocollants et autre, qui ont tous comme thèmes l’identité, les limitations fonctionnelles, la divulgation et la neurodiversité. Il s’agit là d’un système distinct et superposable, conçu dans une optique de communication. Ces articles peuvent être portés à la boutonnière, sur un chapeau ou sur la sangle d’un sac et leur message peut être exprimé par gestes pour ceux et celles qui veulent communiquer sans utiliser de mots à l’oral.
J’ai eu très peu d’aide, voire pas du tout, pour démarrer et faire fonctionner mon entreprise. J’ai fait appel à d’éminents exploitants et experts de Vancouver, qui n’ont même pas daigné me prendre au sérieux. J’ignore la nature de la menace et la raison pour laquelle il y a une telle stigmatisation des personnes ayant une limitation fonctionnelle qui travaillent à leur compte ou qui créent des débouchés pour elles-mêmes.
Pourquoi nous, les personnes ayant une limitation fonctionnelle, sommes-nous constamment reléguées au second plan? Lorsqu’il est question de financer des initiatives d’autosuffisance, nous ne sommes pas prises en considération ni reconnues. Quand il s’agit d’obtenir des capitaux et des ressources supplémentaires pour assurer notre survie – avec un large éventail de besoins qui ne sont pas comblés – nous devons nous battre avec acharnement pour obtenir la moindre chose.
Je n’arrive pas à y croire. L’infrastructure pour nous venir en aide n’existe tout simplement pas. Il n’y a rien à l’échelle fédérale ni à l’échelle provinciale – il n’y a absolument rien.
Au rassemblement du mouvement Le handicap sans pauvreté qui se déroulait en octobre 2022, j’ai été émue par tous les discours. Lorsqu’est venu mon tour de prendre la parole, je n’ai pas hésité.
Voici un extrait de mon discours : « À l’heure actuelle, les personnes qui reçoivent une allocation d’aide aux personnes handicapées (Person with Disability [PWD]) en Colombie-Britannique n’ont droit qu’à un montant de 375 $ pour les frais de logement – il s’agit là d’un message fort de la part du gouvernement, à savoir qu’il n’accorde pas beaucoup d’importance aux personnes ayant une limitation fonctionnelle en tant qu’êtres humains et qu’il les condamne à vivre dans des milieux dangereux, inconfortables et inappropriés. C’est injuste et ça manque de dignité. À Vancouver, le coût moyen du loyer pour un appartement comportant une chambre à coucher se chiffre à 2 000 $. Ce ne devrait pas être un luxe. »
Les choses n’ont toujours pas changé. En raison de problèmes de logement, j’ai dû me lancer dans la recherche de suites à Vancouver et la somme de 2 000 $ correspond à peine à une estimation décente; j’ai vu beaucoup de suites comportant une chambre à coucher dont le prix se situait plus près de la somme de 3 000 $. Des organismes comme BC Housing ont de longues listes d’attente et leurs processus sont peu accessibles en plus d’être assortis d’un jargon compliqué et d’une paperasserie difficile à comprendre. Rien n’est fait pour que ce soit très accessible.
L’accessibilité ne consiste pas à appliquer une solution unique à tous les cas et elle ne se limite pas non plus à la mobilité – elle englobe également d’autres aspects, comme la communication qui est souvent négligée.
Tout cela pour dire que nous méritons mieux. Nous avons besoin de plus d’argent, nous avons droit à l’accessibilité et nous méritons d’être la priorité. Plusieurs d’entre nous espèrent recevoir depuis trop longtemps un supplément en espèces non imposable comme la Prestation canadienne pour les personnes handicapées (qui a été proposée en 2020 et qui n’est toujours pas entrée en vigueur), ainsi qu’une augmentation du financement provincial pour les limitations fonctionnelles.
Nous n’avons plus les moyens d’attendre encore.
Margaux Wosk a fondé Retrophiliac. De plus, iel sensibilise, milite et agit comme agent de changement.