Lire notre deuxième rapport sur la pauvreté liée au handicap

Histoires

28 novembre, 2023

Prestation d’invalidité et CIPH pour tous, même les personnes dans la « zone grise »

Par D.F. Valentina

Text in LH corner: Disability Credit and Benefit for All. Even those in the 'Grey Zone'. RH side: Dog wearing 'service dog' harness is looking at camera. Behind the dog is a woman with curly shoulder length hair. She is wearing glasses and has a nose ring. She is wearing a grey long sleeve top.
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Bonjour, je m’appelle Valentina et voici mon chien d’assistance, Wolfgang Moonbeam, « Wolfie » pour les intimes!

Voici quelques informations générales me concernant :

J’ai subi plusieurs traumatismes qui me valent de souffrir de nombreux handicaps et d’avoir toutes sortes de besoins médicaux. En voici le détail ci-après, décomposé en trois événements clés. Avant cela, il convient de noter qu’il existe différents types de prestations d’invalidité : prestations provinciales, assurance privée, accidents du travail (CAT) et prestation d’invalidité du RPC. Tous les bénéficiaires de prestations d’invalidité ne reçoivent pas les mêmes allocations pour la prise en charge de leurs besoins médicaux. Ce qui suit est une synthèse des trois événements clés à l’origine des divers traumatismes, des traumatismes crâniens et des nombreux autres handicaps dont je souffre.

En 2010 et 2012, j’ai été victime de deux accidents de voiture sans qu’il y ait eu de faute de ma part. Diagnostic : douleurs chroniques, lésion des tissus mous, troubles temporo-mandibulaires, acouphènes.

    Mon assurance maladie professionnelle privée prenait en charge un grand nombre des traitements pour ces pathologies, notamment les visites chez le dentiste spécialisé dans les troubles temporo-mandibulaires; les dispositifs médicaux comme les attelles; tous les médicaments, y compris les analgésiques; les séances de chiropraxie, d’acupuncture, de physiothérapie et de massage; ainsi que certains traitements naturopathiques et holistiques. Mais à présent que je n’ai plus d’emploi, je ne bénéficie d’aucune couverture pour les soins médicaux liés à ces pathologies.

    2. En 2016, en Alberta, j’ai été victime d’un « accident du travail », à savoir une agression sexuelle. J’ai bénéficié de la prestation d’invalidité du RPC pendant les 16 longs mois où j’ai attendu que la CAT statue sans percevoir d’indemnités. La CAT est intervenue et, après six ans et demi de soins attentifs visant à me faire réintégrer le monde du travail, a conclu que j’étais « totalement invalide ».

      Diagnostic : trouble de stress post-traumatique complexe (TSPTc), dissociation, terreurs nocturnes.

      Mon expérience avec la CAT a été positive, mais elle se conforme à des directives et ne couvre que les médicaments prescrits dans le cadre de la prise en charge des troubles susmentionnés.

      Les autres médicaments, les traitements holistiques et les compléments alimentaires ne sont pas pris en charge. Je paie tout cela de ma poche.

      3. 2014-2017 : Alors que j’étais en attente d’une indemnisation financière à la suite de mes accidents de voiture, j’ai été la cible de violences sexuelles, de crimes haineux, de violences spirituelles, d’usurpation d’identité et d’autres délits de la part d’individus du quartier où je vivais en Alberta.

      À cause de problèmes d’amnésie, la plupart de ces préjudices n’ont été découverts qu’entre 2017 et 2021. Mon état de santé a fait l’objet d’évaluations formelles de la part de nombreux professionnels : neurologue, neuropsychologue, chirurgiens ophtalmologistes, physiothérapeute spécialisé dans les commotions cérébrales, ostéopathe, dentiste spécialisé dans les troubles temporo-mandibulaires, chirurgien reconstructeur.

      Malgré toutes les évaluations médicales fournies à titre de preuve, la GRC n’a jamais arrêté les personnes responsables de ces crimes. Or en l’absence d’arrestation, je n’ai perçu aucun dédommagement pour mes pertes financières, mes besoins médicaux ou le suivi thérapeutique de mes traumatismes.

      Diagnostic : multiples traumatismes crâniens, lésion de l’œil gauche, déficience visuelle, incapacité à se concentrer ou à lire pendant des années, migraines chroniques, lésions du cou et de la colonne vertébrale, lésions du crâne, du visage, des dents et des joues, tissu cicatriciel au niveau des joues, difficultés d’élocution, douleurs névralgiques extrêmes partout au niveau de la tête, du coup et du visage, douleurs névralgiques au niveau de mon bras gauche, de ma jambe gauche et de mon pied gauche, troubles de la fonction exécutive, incapacité à mener plusieurs tâches de front, problèmes de mémoire, problèmes de motricité fine, lésions internes du côlon, terreurs nocturnes, claustrophobie, agoraphobie… la liste est longue.

      J’ai subi plusieurs opérations chirurgicales liées à ces problèmes.

      Le choc accablant de la découverte de ces blessures et le retour de souvenirs traumatisants m’ont plongée dans un tel désespoir que j’ai déposé une demande d’aide médicale à mourir (AMM) en 2021 qui m’a été accordée. Il a été estimé que mes blessures, mes souffrances et ma douleur étaient « intolérables ».

      Il m’a été proposé d’essayer des médicaments contre la douleur, mais je n’ai pas les moyens de les financer, ni de financer le voyage jusqu’à Vancouver.

      Depuis que les professionnels de la santé sont opposés à la prescription d’analgésiques, pour diverses raisons, je vis avec des douleurs chroniques.

      Je n’ai pas dormi une seule nuit complète depuis 2010.

      Mon installation à Victoria, en Colombie-Britannique, et ma découverte de la Victoria Brain Injury Society (VBIS) m’ont sauvé la vie! Les connaissances que j’ai acquises grâce au personnel de la VBIS et à leurs cours sur les traumatismes crâniens, ainsi que le soutien que je reçois de la part d’autres survivants de traumatismes crâniens, m’aident à avancer un jour après l’autre.

      Comme je l’ai déjà mentionné, il existe différents types de prestations d’invalidité.

      Je touche un peu plus d’argent avec les indemnités de la CAT, mais je me trouve dans ce que j’appelle la « zone grise ». Il y a beaucoup de prestations auxquelles je n’ai pas le droit du fait que je touche les indemnités de la CAT.

      * Chaque mois je reverse une partie de mes indemnités de la CAT à un avocat spécialisé en la matière.

      * Je paie la location d’un deux-pièces sécurisé au prix du marché actuel, soit 2 100 dollars.

      * Je n’ai pas de quoi financer l’augmentation du loyer de 3,5 % en 2024.

      * Je paie un système de sécurité professionnel par peur d’être à nouveau harcelée et agressée.

      * Je n’ai pas de couverture pour les soins de la vue.

      * Je n’ai pas le droit à une carte de bus gratuite.

      * Je ne bénéficie d’aucune réduction sur mes frais d’Internet.

      * Je ne bénéficie d’aucune couverture pour mes soins d’ostéopathie, de chiropraxie, de physiothérapie, de chirurgie reconstructrice et de podologie orthopédique.

      * Je n’ai pas de couverture dentaire. Récemment j’ai subi des soins dentaires d’urgence pour un montant de 7 000 dollars. Le détartrage n’était pas inclus. Ma dette de carte de crédit actuelle correspond à mon ancien budget alimentaire.

      * Je suis contrainte de courir toute la ville pour récupérer des colis alimentaires pour compenser.

      La CAT prend grand soin de mon chien d’assistance, Wolfie, qui est protégé par une assurance pour animaux de compagnie. Je comprends qu’elle ait des directives à appliquer, et qu’elle ne puisse répondre que des accidents du travail dont j’ai été victime; je suis reconnaissante de tout ce qu’elle a fait et continue de faire pour moi.

      Mais je suis soumise à un stress financier 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. J’appelle ça le « stress de survie ». J’ai appris que ce stress constant déséquilibre la chimie du cerveau. Le cortex préfrontal ne fonctionne plus correctement. La sécrétion des substances chimiques du bonheur comme la sérotonine et la dopamine diminue. La sécrétion des substances chimiques du stress comme le cortisol augmente, et le cerveau primitif prend le dessus. La personne se retrouve alors dans un état constant de lutte ou de fuite. Le « stress de survie » altère les fonctions cognitives. Il engendre aussi ce que j’appelle le « sillon traumatique », lorsque les traumatismes tournent inlassablement en boucle dans l’esprit. Tous les symptômes médicaux et psychologiques se déclarent : terreurs nocturnes, anxiété, migraines, douleurs… ce qui engendre un « brouillard mental ».

      Le stress financier me guette chaque fois que je dois dépenser de l’argent pour des produits de première nécessité ou pour régler des factures.

      * Je tiens un inventaire de toutes mes dépenses au centime près.

      * Je ne dépense pas d’argent dans les loisirs ou les voyages.

      * Mes vêtements proviennent de dons ou sont de seconde main, comme mes meubles.

      * Je ne prends qu’un repas par jour.

      Le « stress de survie » fait qu’il est presque impossible de surmonter un traumatisme, ou de se remettre de traumatismes crâniens ou d’autres lésions à un rythme normal. Une fois lancé, le « sillon traumatique » peut me ramener à l’époque où j’étais mère célibataire en Alberta, quand je vivais dans un environnement dangereux où la drogue était omniprésente autour de moi et de mon fils. J’étais toujours à deux doigts de sombrer dans la pauvreté et de me retrouver sans-abri. Seule sans le moindre réseau de soutien. Le « sillon traumatique » me fait également revivre les agressions.

      TOUS LES SYMPTÔMES s’intensifient sous l’effet du « stress de survie » :

      Trouble de stress post-traumatique complexe (TSPTc), vision trouble, migraines, dissociation, confusion, maladresse, désorientation, anxiété, douleur, problèmes de digestion, terreurs nocturnes, isolement, fatigue, brouillard mental, incapacité à entretenir des relations saines… la liste est longue.

      Bien souvent, les personnes handicapées mettent plus de temps à accomplir les tâches du quotidien, et doivent se reposer davantage entre deux tâches. Par exemple, j’ai du mal à tenir les choses, je fais tomber mes clés, mes lunettes, mes stylos, la laisse de Wolfie, et je tâtonne pour éplucher les pommes de terre, écrire, taper à l’ordinateur, attacher mes chaussures.

      Tout me prend plus de temps désormais.

      Voici les besoins auxquels je ne peux répondre faute d’argent ou de soutien :

      * Les traitements médicaux cités plus haut : ostéopathie, chiropraxie, soins de la vue, soins dentaires, chirurgie reconstructive, chaussures orthopédiques, suivi thérapeutique des traumatismes, médicaments contre la douleur qui m’ont été conseillés par l’AMM.

      * Je n’ai pas non plus les moyens de me payer des compléments alimentaires.

      * Je n’ai pas non plus les moyens d’engager un avocat pour tenter de faire arrêter les personnes qui ont causé mes traumatismes crâniens afin d’obtenir réparation (et justice).

      Tout ce que je décris plus haut m’empêche de travailler. Je ne peux pas lire plus de deux paragraphes, je ne retiens pas ce que j’ai lu, je ne peux pas me concentrer sur un ordinateur pendant plus d’une heure, je ne peux pas rester assise trop longtemps à cause de la douleur, je ne peux pas écrire plus d’une demi-heure sans que mon écriture ne devienne confuse, je ne peux pas effectuer plusieurs tâches à la fois, je suis claustrophobe, j’évite les groupes et les endroits bruyants et animés, j’ai des flashbacks, je dissocie, je parais « bizarre » aux gens « normaux » et préfère m’isoler, je dors mal et ne peux donc pas planifier mes journées.

      Je ne peux pas me plier à un emploi du temps établi en raison de mon instabilité.

      Si l’argent n’était pas un problème :

      * Je continuerais à profiter de longues promenades dans la nature et sur la plage avec Wolfie.

      * J’aime faire de la peinture à l’huile, j’achèterais plus de matériel d’art.

      * Je me ferais détartrer les dents.

      * Je me ferais examiner la vue et j’achèterais de meilleures lunettes.

      * Je m’achèterais de meilleures chaussures.

      * Je me rendrais plus souvent chez mon ostéopathe.

      * Je me procurerais les médicaments contre la douleur recommandés par l’AMM.

      * Je ferais de la chirurgie reconstructive pour m’aider à me remettre de mon traumatisme facial.

      * J’engagerais un avocat et chercherais à faire arrêter les personnes responsables d’un grand nombre de mes maux.

      * J’emmènerais mon adorable fils (maintenant adulte) manger des sushis, notre plat préféré.

      * Surtout, j’économiserais plus que je ne dépenserais.

      Si je ne souffrais pas de « stress de survie » à cause du manque d’argent :

      * Je raconterais plus de blagues.

      * Je rirais plus.

      * Je profiterais davantage de l’instant présent.

      * Je me consacrerais davantage à des projets créatifs.

      * Je serais plus généreuse avec mes amis et mon fils si attentionné.

      * J’achèterais plus de friandises à mon chien d’assistance, Wolfie, et à notre chaton, Peek A Boo.

      Si j’avais plus d’argent chaque mois, j’économiserais plus que je ne dépense. Je recevrais les traitements médicaux dont j’ai besoin ET je redonnerais à la communauté en faisant du bénévolat dans une organisation comme la Victoria Brain Injury Society (VBIS) pour aider les autres dans leur cheminement vers la guérison.

      Telle est mon histoire, dans une version très résumée. Cordialement,

      Valentina et Wolfie

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