Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir

 Je suis une femme handicapée qui vit avec la sclérose en plaques à Kelowna, en Colombie-Britannique. Ma maladie est parfois agressive et elle est assez avancée. J'utilise un fauteuil roulant motorisé. Je ressens une grande fatigue et des douleurs parfois intenses. Cependant, j'ai une excellente qualité de vie.

   Je représente aujourd'hui l'organisme Le handicap sans pauvreté. Environ 2 personnes sur 10 vivant au Canada ont un handicap, mais parmi les personnes qui vivent dans la pauvreté, c'est 4 sur 10. Les personnes handicapées sont surreprésentées. Deux fois plus de personnes handicapées vivent dans la pauvreté que ce que les statistiques seules pourraient expliquer. Elles vivent souvent dans une pauvreté abjecte, car les prestations d'aide à l'invalidité ne représentent généralement que la moitié ou les deux tiers du seuil de pauvreté. Nous savons que des personnes handicapées ont obtenu l'AMM parce que les souffrances intolérables qu'elles vivent sont causées par la pauvreté, alors qu'il existe des options qu'elles jugeraient acceptables pour soulager ces souffrances.

   Voici seulement deux exemples parmi tant d'autres de résidents de la Colombie-Britannique.

   Sean était atteint de la SLA et souhaitait vivre à la maison. Il a réussi à le faire pendant un certain nombre d'années. Lorsque le stress constant lié à la nécessité de chercher par lui-même des soins appropriés est devenu trop grand, l'autorité sanitaire lui a proposé de le placer dans un établissement de soins de longue durée, à quatre heures de route de son fils de 10 ans. Sean a plutôt choisi l'AMM. Il a qualifié les décisions financières et les offres institutionnelles proposées par l'autorité sanitaire de « peine de mort ».

   Madeline est atteinte du syndrome de fatigue post-viral avec lequel elle vit depuis 30 ans. Il n'existe aucun traitement approuvé par Santé Canada, mais elle a trouvé une combinaison de traitements qui fonctionnent pour elle, qu'elle doit tous payer de sa poche. Cependant, elle a épuisé toutes les options financières et s'en tire actuellement, de mois en mois, grâce à des paiements de GoFundMe. Madeline dit que lorsque l'argent sera épuisé, elle n'aura d'autre choix que de recourir à l'AMM, à laquelle elle est déjà admissible. Elle dit qu'elle ne souhaite pas mourir, mais qu'elle sera confrontée à un mur de douleurs insupportables, sans qualité de vie.

   Personne au Canada ne devrait mourir parce qu'il ou elle vit dans la pauvreté. Pourtant, nous devançons cette mort pour les personnes handicapées. Nous offrons une procédure sanctionnée par l'État pour que ces personnes handicapées meurent. Pour Sean et Madeline, nous avons des remèdes à leurs souffrances qui auraient été acceptables pour eux. Sean et Madeline se sont exprimés dans les médias sur leurs besoins et les remèdes à leurs souffrances, mais nous n'avons entendu aucune réponse de la part du gouvernement. Soit le gouvernement croit que les aménagements pour les personnes handicapées prévus par la loi n'ont pas besoin d'être respectés, soit il ne prend pas au sérieux son rôle de supervision des garanties de l'AMM. Les souffrances de Sean et Madeline sont dues à une condition sociale et non à leur condition médicale.

   Je ne peux pas croire qu'il s'agissait là de l'intention de l'AMM, soit de sanctionner la mort de personnes handicapées parce qu'elles vivent dans la pauvreté, et pourtant, c'est ce que nous observons. Je vous demande de reconnaître que les garanties échouent et de soutenir la vie des personnes handicapées et le projet de loi sur les prestations d'invalidité du Canada pour veiller à sortir toutes les personnes handicapées de la pauvreté. Mettez en oeuvre une vaste réforme de nos systèmes de soins pour prodiguer aux personnes handicapées les soins qu'elles souhaitent. Jusqu'à ce que ces conditions soient remplies, l'admissibilité à l'AMM doit être limitée aux personnes en fin de vie, lorsque leurs souffrances intolérables sont dues à leur état de santé et non aux conditions sociétales dans lesquelles elles sont forcées de vivre.

   Je termine par les mots de Madeline: « J'essaie vraiment de ne pas paniquer… mais le fait que je sois confrontée à la mort pour quelque chose qui peut être gérée est vachement ridicule et cela me met tellement en rogne. Je vais mourir quand je n'aurai plus d'argent ».

   Je vous remercie.

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