Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui des progrès que le Canada accomplit pour devenir un pays exempt d'obstacles.
Je m'appelle Michelle Hewitt et je suis présidente du conseil d'administration du mouvement Le Handicap sans pauvreté. Je suis une femme handicapée et je me déplace en fauteuil roulant à temps plein. Je vis à Kelowna avec mon mari, qui se déplace lui aussi en fauteuil roulant en tout temps.
Il est toujours compliqué de parler d'accessibilité à n'importe quel ordre de gouvernement, car les responsabilités sont séparées. Cependant, la vie des personnes handicapées ne fonctionne pas de cette manière. Je crois que le ton donné par le gouvernement fédéral a des effets sur d'autres domaines d'influence. Par conséquent, je crois qu'il est de votre devoir de placer la barre bien haut et de vous attendre à ce que tous les autres respectent au moins cette norme.
Je dois faire une précision à propos de mes observations. Lorsque j'ai constaté que je faisais partie du même groupe que M. Lepofsky, j'ai décidé de parler de quelques exemples de base, car il connaît beaucoup mieux que moi les détails labyrinthiques de la Loi canadienne sur l'accessibilité.
Mon mari et moi venons d'emménager plus près du centre-ville de Kelowna afin de pouvoir sortir de façon plus autonome. Nous pensions aller dans un endroit relativement nouveau où l'on aurait accès à des soupers et à des films, mais non. La partie cinéma est à l'étage et il n'y a pas d'ascenseur. Le lieu est ouvert depuis moins de deux ans.
Chaque fois que nous voulons nous rendre quelque part, il faut vérifier si l'endroit nous est accessible. Les personnes non handicapées n'ont pas à le faire.
Il n'y a pas longtemps, je me suis rendue dans un cabinet relativement récent pour une analyse de sang. Là encore, c'est au centre-ville et c'est l'endroit principal. Les espaces dans lesquels se déroulent les prélèvements sanguins sont trop petits pour mon fauteuil roulant, si bien que le prélèvement doit se faire dans un couloir, à la vue de tout le monde, sans aucune intimité. Être handicapé équivaut souvent à être dépouillé de sa dignité.
La dernière fois que j'ai pris l'avion, c'était pour me rendre à Ottawa, en avril. Ironiquement, c'était pour comparaître devant le comité des transports. Avant de monter dans l'avion, bien que mon dossier indique clairement que j'ai besoin d'une assistance complète, on m'a demandé de laisser mon fauteuil roulant électrique au comptoir d'enregistrement et de monter à pied dans l'avion. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de ce qui se passe lorsqu'une personne handicapée prend l'avion. Nous sommes des citoyens de seconde zone.
La directrice nationale du mouvement Le handicap sans pauvreté, Rabia Khedr, est une personne aveugle. Elle ne peut pas voter sans que quelqu'un d'autre lise les noms des candidats et qu'elle lui dise son choix de vive voix. Elle reçoit régulièrement des lettres de tous les ordres de gouvernement qui contiennent des renseignements personnels. Elle doit demander à quelqu'un d'autre de lui en faire la lecture, alors que si elles lui parviennent par courrier électronique, elle dispose de la technologie nécessaire pour les lire en privé. Ces droits fondamentaux d'une citoyenne à part entière lui sont refusés.
Mon amie Glenda, étudiante primée à la maîtrise à l'Université Queen's, est une personne non verbale. Je lui ai demandé de me donner un exemple d'une situation récente où elle a été confrontée à un manque d'accessibilité. Elle m'a dit qu'elle avait un problème avec son dossier d'entreprise à l'ARC et qu'on lui a dit que le seul moyen de le résoudre, c'était par téléphone. Or, elle ne peut pas parler. Ce type de situation se produit jour après jour.
Le travail que nous accomplissons au sein du mouvement Le handicap sans pauvreté nous permet de vous dire que les obstacles sont solidement ancrés dans les programmes du gouvernement fédéral auxquels les personnes handicapées qui vivent dans la pauvreté tentent d'accéder. En 2022, la vérificatrice générale a déclaré que le gouvernement ne comprenait pas bien la situation des personnes difficiles à joindre qui n'ont pas accès aux prestations censées les aider. C'est comme si le gouvernement n'arrivait pas à faire le lien entre les programmes qu'il a mis en place et les gens qui en ont besoin.
C'est ce qui se passe dans le cadre de nouveaux programmes et c'est tout simplement inacceptable. Le Régime canadien de soins dentaires et la nouvelle prestation canadienne pour les personnes handicapées dont M. Lepofsky a parlé — et le premier versement aura lieu, je l'espère, en juillet 2025 — exigent tous deux le crédit d'impôt pour personnes handicapées comme point d'entrée. Ce programme est terriblement inadéquat.
Le pays compte 1,5 million de Canadiens gravement et très gravement handicapés qui vivent dans la pauvreté et qui devraient recevoir la prestation canadienne pour les personnes handicapées l'année prochaine. Cependant, selon les chiffres du gouvernement, seul un demi-million de Canadiens la recevront, ce qui signifie qu'un million de Canadiens vivant dans la pauvreté ne recevront pas une prestation à laquelle ils ont droit. Ces personnes ne peuvent plus attendre, et certainement pas jusqu'en 2040.
En 1966, Paul Hunt, un éminent homme handicapé anglais, a déclaré: « Nous faisons partie de la société, autant que n'importe qui, et on ne peut pas nous considérer comme isolés d'elle. » Les exemples que j'ai donnés aujourd'hui montrent que les personnes handicapées sont toujours considérées comme isolées du reste de la société.
Tous ceux qui connaissent l'histoire du sport savent que l'Angleterre n'a remporté la Coupe du monde qu'en 1966. Je peux vous sembler Anglaise, mais je suis née au Canada pendant la saison de hockey 1966‑1967, à la fin de laquelle les Maple Leafs ont remporté la Coupe Stanley pour la dernière fois. Je vous pose donc une question: qu'est‑ce qui est le plus susceptible d'arriver en premier? Que l'Angleterre gagne la Coupe du monde, que les Maple Leafs remportent la Coupe Stanley ou que l'on traite les personnes handicapées au Canada comme des membres à part entière de la société? Laquelle de ces choses, le cas échéant, se produira d'ici 2040?
Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé. Je serai ravie de répondre à vos questions.