En Colombie-Britannique, les personnes qui ont des limitations fonctionnelles demandent à être entendues

En décembre 2023, c’était la première fois en trois ans que je ne passais pas ce mois à me tordre de douleur sur un lit d’hôpital. Depuis 2020, je souffre d’une blessure au dos incroyablement douloureuse, ce qui comprend des ligaments déchirés, de l’arthrite et trois hernies discales dans ma colonne vertébrale. Cette blessure m’empêche de travailler à temps plein, en faisant de moi une soi-disant prisonnière de ma maison.

Au cours des trois dernières années, je me suis adressée à mon médecin, aux spécialistes, au personnel de l’urgence de l’hôpital – et je n’ai reçu que très peu d’aide. J’ai attendu pendant plus d’un an pour pouvoir parler à un neurochirurgien, pour ensuite me faire dire que je n’étais pas admissible à la chirurgie (alors que je me tenais debout dans son bureau, en prenant désespérément appui sur un déambulateur, puisque je ne peux pas me déplacer sans une aide à la mobilité). Il m’a dit que je devrais plutôt essayer de perdre du poids.

Comme j’étais incapable de travailler à temps plein en occupant un « bon » emploi et que j’ai été obligée de prendre des mandats occasionnels comme rédactrice (et comme organisatrice, pendant un certain temps, mais c’est une autre histoire), mon revenu n’a jamais été constant et j’ai vu fondre mon compte bancaire. Après tout, je devais quand même payer les factures courantes et les frais médicaux des spécialistes. J’ai présenté une demande d’aide, mais celle-ci a été refusée parce que le compte d’épargne de ma conjointe dépassait un certain montant. Est-ce que le gouvernement s’attend à ce que ma conjointe assume mes frais médicaux? Je me suis interrogée.Comment pouvons-nous vivre avec un seul revenu si ma limitation fonctionnelle nous coûte davantage que ce nous pouvons payer? Est-elle censée vider son compte d’épargne pour moi? C’est inacceptable.

J’ai continué à éprouver des difficultés à trouver du travail dans un monde post-pandémique qui « renvoyait tout le monde au bureau! » Ma limitation fonctionnelle constituait un obstacle pour décrocher un emploi intéressant à temps plein; en acceptant de petits boulots qui suffisaient à peine à payer une séance de thérapie, j’avançais (de façon métaphorique, bien sûr, parce que je ne pouvais pas marcher).

Mon histoire n’est pas la seule du genre – une histoire où il est question de blessures, d’attente, d’échecs, du seuil de la pauvreté.

Depuis, j’ai été embauchée par la section de la Colombie-Britannique du mouvement Le handicap sans pauvreté et une partie de mon travail consiste à interviewer des gens de cette province pour connaître leurs expériences en matière de limitations fonctionnelles. Au cours de ces discussions, une constante s’est dégagée – au point que c’est devenu un sujet rabâché et usé à la corde.

En Colombie-Britannique, on compte près de 15 % des personnes qui ont une limitation fonctionnelle d’une manière ou d’une autre et qui demandent à être entendues.

Entendues par les membres de la famille et les amis qui ne prennent pas au sérieux leur douleur; entendues par les médecins généralistes qui ne voient pas l’urgence de leur cas; entendues par les spécialistes pour lesquels elles ont dû patienter des mois, voire des années pour les consulter; entendues par le gouvernement qui continue d’utiliser des protocoles qui ne sont plus à jour pour les aider.

Une personne m’a dit qu’à au moins quatre reprises, elle avait présenté une demande pour l’allocation d’aide aux personnes handicapées en passant par le portail de la Colombie-Britannique avant d’abandonner, en se heurtant à un refus à chaque fois parce qu’elle ne répondait pas tout à fait aux critères pour que sa demande soit acceptée. Elle est sortie de cette expérience les mains vides, exaspérée par l’absence de moyens pour aider les gens dans sa situation.

Un homme que j’ai interviewé avait des limitations fonctionnelles depuis sa naissance et avait travaillé dur pour surmonter plusieurs obstacles physiques et psychologiques auxquels il a dû faire face toute sa vie; l’aide minimale qu’il reçoit du gouvernement suffit à peine à payer les denrées alimentaires pour le mois – surtout de ces temps-ci – où un petit arrêt hebdomadaire à l’épicerie peut coûter jusqu’à 150 $.

Une autre personne interviewée a parlé de sa consternation de ne pas pouvoir avoir accès à des soins de santé pour les transgenres ou à un soutien monétaire approprié pour les besoins uniques de la communauté transgenre en Colombie-Britannique, en évoquant l’augmentation des coûts médicaux pour les thérapies et les interventions chirurgicales.

Dans toutes les régions de cette province, les personnes ayant une limitation fonctionnelle sont fondamentalement désavantagées et nul ne semble s’en soucier. En prenant part à ces entrevues, j’ai appris une chose très évidente : les gens ayant une limitation fonctionnelle souffrent et attendent impatiemment qu’on veuille bien les écouter et qu’on soit attentif à leurs besoins.

Une initiative proposée en 2020, la Prestation canadienne pour les personnes handicapées vise à alléger un peu ce fardeau grâce à un supplément en espèces non imposable – un peu comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU), mais avec certaines différences importantes – et cette mesure est sur le point d’aider plus de 6,2 millions de Canadiens et de Canadiennes qui ont déclaré avoir une limitation fonctionnelle (dont 1,4 million d’entre eux vivent dans la pauvreté).

Mais pour le moment, quatre ans plus tard, il n’y aucun changement dans la mise en œuvre de cette initiative – c’est la raison pour laquelle des organismes comme Le handicap sans pauvreté n’ont pas ménagé leurs efforts pour capter l’attention du gouvernement au moyen de campagnes de cartes postales, d’activités de sensibilisation et d’une enquête nationale sur l’incapacité.

Il faut amener le gouvernement à voir à quel point les gens les plus marginalisés en Colombie-Britannique et au Canada ont dû mal à joindre les deux bouts et l’inciter à approuver et à adopter la Prestation canadienne pour les personnes handicapées afin que ceux et celles qui en ont le plus besoin puissent en profiter. Avant qu’il ne soit trop tard.

Kat Wong-Perrotta est experte-conseil de direction pour la section de la Colombie-Britannique du mouvement Le handicap sans pauvreté.