Je suis au terrain de jeux avec mon fils de quatre ans. Il se mordille la main et bave. Une maman à côté de moi me dit, avec sympathie : « Est-ce qu’il perce ses dents? » Je réponds : « Non, c’est son autostimulation. » Elle y regarde à deux fois, sourit gentiment. Je me rends compte de la chance que j’ai de vivre à une époque et dans un lieu où une inconnue comprend qu’autostimulation signifie que mon fils vit avec un trouble du spectre de l’autisme et que mettre la main dans sa bouche le calme, l’aide à s’autocontrôler et indique s’il est heureux ou contrarié.
Malgré des périodes de dépression situationnelle, je suis nouvelle dans le monde des personnes handicapées. Jusqu’à tout récemment, je ne savais pas que 22 pour cent de la population canadienne a un handicap. En fait, j’ai appris qu’il s’agit du groupe minoritaire le plus important du Canada.
J’ai aussi appris que près de 30 pour cent des 6,2 millions de Canadiennes et de Canadiens handicapés vivent dans la pauvreté. Considérant que ce groupe est plus à risque de vivre dans la pauvreté, le gouvernement fédéral a proposé dans son plus récent budget d’adopter une prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. Il est important qu’il tienne cette promesse.
Les personnes handicapées ont déjà reçu des promesses d’aide économique de la part de nombreux gouvernements différents, mais elles ont été déçues lorsque ces promesses se sont révélées creuses. Nous ne pouvons pas laisser cette situation se reproduire. Une prestation canadienne pour personnes en situation de handicap aidera les personnes handicapées à vivre leur vie avec passion, et leur permettra d’avoir un but et de participer à la société. Toute la population canadienne en bénéficiera. Le gouvernement fédéral doit donner rapidement suite à cette promesse et ne pas consacrer des années à mener des consultations pour ensuite laisser l’idée tomber à l’eau.
Le groupe des personnes handicapées est le seul groupe minoritaire dans lequel n’importe qui d’entre nous peut se retrouver à tout moment, et le fera probablement à un moment donné de sa vie. Beaucoup d’entre nous vieilliront avec un handicap. Mon fils a obtenu son diagnostic de TSA à l’âge de deux ans.
Parfois, en public, je suis déchirée. Je sens le besoin de m’excuser ou d’anticiper l’apparente négligence de mon fils envers les autres enfants. Je fais souvent savoir aux enfants que ses bruits aigus sont son moyen de communiquer; il ne parle pas. Quand il fait des bruits de pet, il a généralement tout un groupe d’imitateurs, même si lui ne les imite pas. Il bloque sans le savoir tout l’escalier lorsque les enfants essaient de monter. Dans le passé, j’avais tendance à intervenir rapidement pour l’écarter. Je vois à présent que les enfants ont leurs propres moyens de surmonter les obstacles; ils le poussent doucement. Quand il monopolise le haut du toboggan et ne bouge pas, les enfants le contournent tout simplement pour glisser. Cela ne le dérange pas du tout.
Je continue mes apprentissages. Qu’est-ce qui l’aide le plus? Dans quelle mesure dois-je être un parent hélicoptère?
Je n’ai pas utilisé son dispositif de communication améliorée et alternative autant que je l’aurais dû, parce que mon fils communique bien avec moi. Il prend ma main, me conduit là où il veut aller. Il dépose mes chaussures à côté de la porte quand il veut faire une promenade. Je comprends bien ses besoins. Cependant, notre communication silencieuse et tout en douceur ne l’aidera pas à communiquer avec les autres.
Je dois l’aider à s’exprimer, en particulier parce qu’il grandit et que ses besoins deviennent plus complexes. Est-ce que je le dorlote trop ou est-ce que je lui donne les conseils dont tous les enfants ont besoin?
Je l’aide à s’habiller et à faire sa toilette; il ne mange que des aliments mous parce qu’il a des problèmes de texture. Est-ce que je le laisse faire les choses à son propre rythme et au moment où il le choisit, ou est-ce que je ne l’encourage pas assez? Comment déterminer la meilleure façon de l’élever tout en ne lui enlevant rien? Comment faire pour qu’il brille aux yeux de tous – pas juste aux miens – par son autonomie, son intelligence et sa force?
Je l’ai eu au milieu de la quarantaine; un âge avancé pour devenir mère. Qu’arrivera-t-il quand je ne serai plus là? Tout en me frayant un chemin dans la complexité d’élever une personne handicapée, une chose m’apparaît claire : chaque personne en situation de handicap mérite de vivre une vie remplie, stable, et riche de sens.
C’est la raison pour laquelle je me bats pour la prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap. Pour ce faire, je participe au nouveau mouvement canadien créé par des personnes handicapées appelé Le handicap sans pauvreté. Nous voulons nous assurer qu’un revenu supplémentaire, destiné aux personnes handicapées et élaboré avec leur participation, soit créé sur le modèle de l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) ou du Supplément de revenu garanti (SRG).
Faisons en sorte que le gouvernement tienne sa promesse d’adopter une prestation canadienne pour les personnes en situation de handicap, et ce, d’une manière qui profite aux personnes à qui elle est destinée. Ainsi, moi et les innombrables autres personnes qui soutiennent les personnes handicapées pourrons nous reposer plus facilement en sachant que nos êtres chers auront l’aide financière stable dont ils ont besoin, non seulement pour vivre, mais aussi pour s’épanouir.